Le surpoids et l’obésité sont responsables d’une véritable pandémie et contribuent à l’essor sans précédent des maladies métaboliques. Mais l’obésité impacte également le cerveau, avec des modifications pour certaines irréversibles, selon une récente étude publiée dans la revue scientifique Nature Metabolism. Explications.
Entre obésité et cerveau
L’obésité est reconnue comme un facteur de risque cardiovasculaire. Elle impacte également la santé métabolique et est considérée comme un facteur susceptible d’augmenter le risque de certains cancers. Un autre impact moins connu de l’obésité est son influence sur le cerveau. Pourtant, le cerveau joue un rôle important dans la régulation des apports alimentaires en modulant les sensations de faim et de satiété, mais aussi en conditionnant la motivation à aller chercher de la nourriture.
Des études menées chez l’animal ont permis de comprendre les mécanismes reliant les signaux intestinaux et métaboliques et le cerveau, mais peu de choses étaient connues sur ces mécanismes chez l’être humain. Pour pallier à ce manque de connaissances, des chercheurs américains et néerlandais ont mené un essai contrôlé sur deux groupes de participants :
- 30 participants avec un poids normal ;
- 30 participants obèses.
L’obésité associée à une altération des réponses cérébrales aux apports alimentaires
Au cours de l’essai, des nutriments spécifiques ont été administrés aux participants directement au niveau de l’estomac, grâce à une sonde gastrique. En parallèle, l’activité cérébrale des participants était enregistrée par une technique d’imagerie médicale IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) et la libération de dopamine était suivie par une technique de tomographie.
Les données collectées ont mis en évidence que les participants avec un Indice de Masse Corporelle (IMC) normal présentaient des schémas spécifiques d’activité cérébrale et de libération de dopamine en fonction des nutriments perfusés dans l’estomac (notamment des graisses et du glucose). Chez les patients obèses, ces schémas ne se reproduisaient pas et la libération de dopamine était sévèrement atténuée. Ainsi, la libération de dopamine, qui est associée à la satisfaction de l’apport alimentaire, serait significativement réduite en cas d’obésité. De même, l’activité cérébrale n’était pas réduite chez les sujets obèses après l’ingestion des nutriments, signe que la sensation de satiété n’était pas induite. Ces résultats suggèrent une altération des mécanismes de réponse du cerveau à l’apport alimentaire en cas d’obésité. Reste à déterminer si ces altérations sont le résultat de l’obésité ou la cause !
Une réponse cérébrale altérée même après une perte de poids
Pour les patients obèses soumis à un régime alimentaire de 12 semaines, induisant une perte de poids de 10 %, les chercheurs n’observaient pas de retour à la normale de la réponse cérébrale à l’apport alimentaire. Ces données semblent indiquer que la réponse du cerveau est durablement modifiée par l’obésité, même après une perte de poids significative. De telles données pourraient expliquer d’une part le comportement alimentaire des sujets obèses avec des altérations durables de la réponse cérébrale, et d’autre part la reprise de poids observée fréquemment chez les sujets obèses ayant pourtant perdu efficacement du poids.
En altérant la réponse cérébrale aux apports alimentaires, l’obésité modifie durablement, peut-être irréversiblement, les sensations de faim et de satiété. Cette étude permet d’en apprendre plus sur le rôle de l’axe intestin-cerveau dans le contexte de l’obésité, en s’affranchissant des facteurs sensoriels (vue, odorat, goût des aliments). Elle met également en évidence des mécanismes cérébraux capables d’expliquer en partie la maladie de l’obésité.
Estelle B., Docteur en Pharmacie