Lors du dernier congrès européen de gynécologie et d’obstétrique -the European Board & College of Obstetrics and Gynaecology (EBCOG)-, les experts ont souligné, une fois de plus, qu’être enceinte tout en souffrant d’obésité n’est pas sans risque. A chaque étape de la grossesse, l’excès de poids entraîne des complications pour la santé de la future maman mais aussi pour son enfant. Quels sont les risques pour la mère et comment la protéger au mieux ? Focus sur les recommandations avancées lors de ce congrès qui s’est tenu du 8 au 10 mars à Paris.
Risques avant et pendant la grossesse
En amont de la grossesse, l ’obésité complique la conception d’un enfant car elle entraîne des problèmes de fertilité.
Ensuite, il ne faut pas perdre de vue que le suivi de la grossesse chez une femme obèse est plus compliqué compte tenu :
- Des risques augmentés de malformations fœtales en cas de diabète préexistant ;
- De la survenue d’hypertension artérielle et d’apnées du sommeil.
Selon le Pr Gérard Visser de la faculté de médecine d’Utrecht, aux Pays Bas, le risque de présenter un diabète gestationnel est de :
- 10 % pour les femmes avec un IMC entre 20-25 kg/m2;
- 35% pour celles présentant avec un IMC ≥ 30 kg/m2;
- 100% pour celles ayant un IMC ≥ 40 kg/m2.
À savoir ! L’IMC est l’Indice de Masse Corporelle. C’est une mesure simple du poids par rapport à la taille couramment utilisée pour estimer l’insuffisance pondérale, le surpoids et l’obésité chez l’adulte. Il correspond au poids divisé par le carré de la taille, exprimé en kg/m2. Calculez ici votre IMC.
De plus, le spécialiste néerlandais souligne également que le taux de pré-eclampsie chez les femmes obèses, avec ou sans diabète, est de 15% contre 4% chez les femmes souffrant d’un diabète gestationnel mais ayant un poids normal.
À savoir ! La pré-éclampsie est une complication peu fréquente de la grossesse qui associe l’hypertension artérielle et l’apparition de protéines dans les urines (protéinurie supérieure à 300 mg par 24 heures). La pré-éclampsie nécessite une prise en charge médicale adaptée pour prolonger la grossesse le plus longtemps possible mais, dans certains cas de mauvais pronostic, l’accouchement peut devenir l’unique solution.
Les complications pendant et après l’accouchement
« Les conditions de déclenchement sont plus compliquées, avec une sorte de résistance à l’ocytocine qui perturbe le travail, et un taux de césarienne élevé. Même dans les services privilégiant les accouchements par voie basse, on peut avoir 30 à 35 % de césariennes chez les femmes obèses »souligne le Pr Didier Riethmuller, chef du pôle mère-enfant au CHRU de Besançon, dans un article du site web Le Généraliste.fr.
En effet, dans certaines situations, pour déclencher le travail de l’accouchement ou accélérer son déroulement, les professionnels de santé administrent par voie intraveineuse une forme synthétique de l’hormone naturelle ocytocine, qui a pour fonction de provoquer des contractions utérines.
Après l’accouchement, les risques de maladie thromboembolique et d’infections (voies urinaires, cicatrices) sont également plus importants chez les femmes souffrant d’obésité comparativement à celle présentant un IMC normal.
« Chez une femme de poids normal, le risque thromboembolique est augmenté tout au long de la grossesse et pendant 16 semaines après l’accouchement. En période post-partum, ce risque est en moyenne 30 fois supérieur qu’avant la grossesse. Chez les jeunes mamans obèses et qui ont eu en plus une césarienne, ces risques d’hypercoagulabilité ne s’additionnent pas mais se multiplient ! » avance le Pr Riethmuller.
À savoir ! La maladie thromboembolique veineuse est provoquée par la formation d’un caillot de sang, ou thrombus, dans la circulation sanguine. Ses deux formes principales sont la thrombose veineuse profonde ou phlébite et l’embolie pulmonaire.
Face à cette situation, le gynécologue conseille de mettre en place un traitement prophylactique par héparine (anticoagulant) pendant au moins 6 à 8 semaines.
Conclusions et perspectives d’études
Aussi, les experts ont souligné que même si le rapport bénéfice/ risque d’une intervention chirurgicale bariatrique (chirurgie visant à diminuer la taille de l’estomac) avant la grossesse semble pencher en faveur de l’opération, il existe encore des questionnements sur les complications éventuelles rencontrées pendant ce type de grossesse faisant suite à une chirurgie de l’obésité.
Il est seulement préconisé de respecter un délai de 12 à 24 mois entre la fin de la chirurgie bariatrique et le début d’une grossesse.
Pendant ce congrès, les spécialistes européens en obstétrique ont reconnu que le parcours médical d’une femme obèse enceinte doit être spécifique mais ils ont également insisté sur la nécessité de renforcer les campagnes de prévention de l’obésité auprès des enfants et des adolescents.
« Cela nécessite l’implication des gouvernements, des pouvoirs publics et de l’ensemble des soignants » complète le Pr Visser.
Julie P., Journaliste scientifique