Est-ce que l’obésité modifie notre odorat ? C’est en s’interrogeant notamment sur le lien entre poids et performances olfactives que quatre chercheurs néo-zélandais ont passé en revue une vingtaine d’études sur le sujet englobant pas moins de 1400 personnes. Leur conclusion? Plus une personne est obèse, moins elle est sensible aux odeurs. Décryptage des implications de cette étude parue dans la revue Obesity reviews.
Lien insoupçonné entre poids et odorat
L’obésité est un problème sanitaire mondial d’une ampleur sans précédent. L’obésité est d’autant plus grave qu’elle constitue un facteur de risque de nombreuses maladies comme le diabète, les douleurs articulaires, l’inflammation chronique, certains cancers, l’hypertension artérielle et les maladies cardiaques.
En 2016, deux milliards d’adultes étaient en surpoids et 650 millions d’entre eux étaient obèses.
La même année, 41 millions d’enfants de moins de 5 ans présentaient un excès de poids ou étaient obèses.
Pour mieux combattre cette maladie associée souvent à « l’épidémie des pays occidentaux », les chercheurs s’interrogent sur tous ses aspects et toutes ses interactions.
Comme l’odeur joue un rôle clé dans le choix alimentaire et l’éveil de l’appétit, des chercheurs pluridisciplinaires (spécialisés en anatomie, en nutrition, en mathématiques) de l’Université d’Otago à Dunedin en Nouvelle-Zélande ont réuni et étudié des articles scientifiques (études observationnelles et études cliniques) sur le lien entre poids corporel et odorat.
La conclusion principale de leur travail est étonnante: plus une personne est mince, plus ses capacités olfactives sont performantes.
Et l’inverse est également vrai: plus une personne possède un Indice de Masse Corporelle (IMC) élevé, plus sa fonction olfactive est altérée. Autrement dit, les personnes obèses ont une capacité réduite à sentir et identifier les odeurs comparativement à ceux n’ayant pas de problèmede poids.
Pour l’auteur principal de l’étude, Mei Peng, l’odeur joue un rôle crucial dans la conduite alimentaire, car elle impacte la manière avec laquelle nous identifions puis nous choisissons un plat parmi tant d’autres.
En allant plus loin, le chercheur avance qu’un odorat altéré peut par exemple pousser un individu « à choisir ou être plus attiré par les aliments plus salés et plus savoureux, tels que le bacon et le sirop d’érable, au lieu des aliments plus sains, comme les céréales faibles en gras et moins sucrées« .
Un dysfonctionnement olfactif réversible?
Sur la base de ces connaissances, les chercheurs ont émis l’hypothèse que l’obésité modifie le métabolisme d’une personne d’une telle manière que cela affecte les voies de communication entre l’intestin et le cerveau.
Pour vérifier cette hypothèse impliquant une voie de communication entre l’intestin et le cerveau, les chercheurs ont examiné les effets de deux types de chirurgies de l’obésité (chirurgie bariatrique) sur l’odorat : la sleeve gastrectomie et le by-pass gastrique (court-circuits digestifs).
À savoir ! L’opération la plus pratiquée pour un traitement de l’obésité est celle de la sleeve gastrectomie. Il s’agit d’enlever une grande partie de l’estomac pour former un tube étroit calibré à l’aide d’une sonde durant l’intervention. Cela oblige à manger en petites quantités et doucement. De plus, cette opération entraîne une baisse de la quantité de ghréline (hormone de l’appétit) qui est sécrétée dans la partie de l’estomac enlevé. Le bypass gastrique est quant à lui un montage en court circuit du système digestif. Comme un anneau gastrique, l’estomac est réduit (petit poche supérieure) mais le reste de l’estomac n’est plus utilisable (plus en circuit) tout comme une partie de l’intestin grêle et la totalité du duodénum. C’est de cette façon qu’est limitée l’absorption des aliments par le système digestif.
Les résultats?
Le retrait d’une grande partie de l’estomac (sleeve gastrectomie) pouvait inverser le déclin des capacités olfactives, alors que l’autre chirurgie de l’obésité ne possède pas ce même effet.
« Couper l’estomac pourrait changer les nerfs de l’estomac qui affectent la voie intestin-cerveau » conclut le Dr Peng.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre le rôle des odeurs de nourriture sur la perception des arômes et le comportement alimentaire.
A terme, les chercheurs espèrent mettre à profit ces découvertes pour mieux lutter contre certains comportements alimentaires déséquilibrés à l’origine de l’obésité.
Julie P., Journaliste scientifique